Je ne sais pas dire non


Dire non c’est communiquer et ça s’apprend

« Viens, on prend un verre ? »
Je n’ose pas dire non, alors que je suis fatigué·e, que j’ai juste envie de me reposer. J’ai peur de décevoir.

Un collègue me demande : « Tu peux m’aider sur le dossier truc ? »
Je n’ose pas dire non, alors que je suis débordé·e. J’ai peur qu’il m’en veuille.

Un ami me dit : « Tu peux garder mon chat ? »
Je n’ose pas dire non, alors que je n’en ai pas envie. Je n’aime pas les chats.

Et pourtant, dans chacune de ces situations, je finis par dire « oui ». Malgré moi.
Ça me coûte. Mais je le fais quand même. Après tout, ça va lui faire plaisir. Ça va l’aider. Au moins, il ne sera pas déçu. Il verra que je suis quelqu’un de fiable.

Mme X, que j’accompagne depuis quelques mois, n’osait jamais refuser un service à ses collègues. Elle terminait ses journées épuisée. Ensemble, on a travaillé à repérer ses schémas, tester ses craintes. Aujourd’hui, elle dit non plus souvent… et elle dort mieux.

Ces situations, bien que banales, sont parfois à l’origine d’un mal-être plus profond. C’est un vrai sujet que l’on travaille souvent en thérapie : apprendre à dire non. Voici quelques pistes de réflexion que j’explore avec mes patients.


1. Ce qui se joue dans notre tête (croyances, anticipations)

Dans ces situations, je me base sur des théories que j’ai en tête : sur le monde, les autres, leurs émotions, leurs réactions. Mais attention : une croyance ou une prédiction, ce n’est pas un fait.

Prenons l’exemple de l’ami qui propose un verre. Je pense :

« Si je dis non, il/elle va être déçu·e. »
« Et s’il est déçu, il ne m’invitera plus. »
« Et si on ne se voit plus, on va s’éloigner. »
« Et s’il s’éloigne, je vais le/la perdre. »

Ce scénario catastrophe peut parfois s’appuyer sur une expérience passée : « Ça m’est déjà arrivé », « J’ai peur que ça recommence ». Ou bien sur une éducation : « On m’a appris qu’il faut être là pour les autres ». Mais dans quelle mesure ces expériences ou ces principes s’appliquent-ils à la situation actuelle ?


2. Et si on testait ces croyances ?

Une bonne question à se poser est : « Et si je testais cette croyance ? »
Si je dis non, est-ce que mon ami va vraiment me rayer de sa vie ?
Et si c’est le cas… est-ce vraiment une relation saine ?
Et si ce n’est pas le cas, alors peut-être que je peux m’autoriser à dire non, sans culpabilité.

Par exemple :

« Ce soir, je ne peux pas. J’avais prévu de me reposer. Ça m’embête de te dire non, j’ai peur de te décevoir, mais j’ai besoin de ce temps-là pour moi. »

Dans une relation équilibrée, l’autre devrait répondre quelque chose comme :

« T’inquiète, repose-toi, on se verra une autre fois. »

Et parfois, on entend aussi :

« Allez, viens juste pour un verre ! »
Et là, on peut douter. Est-ce si grave ? Urgent ? Important ?
Souvent, non. La personne a juste très envie de nous voir. Et c’est ok.
On peut reconnaître sa déception sans y céder :
« Je comprends que tu sois déçu·e, moi aussi. Mais ce soir, je ne peux vraiment pas. »


3. Dire non, ce n’est pas rejeter l’autre

Apprendre à dire non, ce n’est pas devenir égoïste ou froid.
C’est s’affirmer avec bienveillance. C’est poser des limites saines, pour ne pas se perdre dans les demandes des autres.
C’est aussi sortir du réflexe automatique de vouloir plaire à tout prix.

Quand vous avez l’impression de devoir vous contorsionner pour dire « oui », alors c’est peut-être le bon moment pour apprendre à dire « non ».

Une idée de petit exercice :

“Cette semaine, notez à chaque fois que vous avez dit oui alors que vous pensiez non. Notez la situation, ce que vous avez ressenti, et ce que vous auriez aimé répondre à la place. Cela vous donnera une idée de la place que prennent vos OUI dans votre bien-être.”


4. Et si le vrai travail commençait par l’image de soi ?

Dire non implique aussi de s’autoriser à exister en dehors du regard de l’autre. Cela interroge l’estime de soi, la peur du conflit, la peur d’être jugé, abandonné, ou moins aimé.

Mais ça… c’est peut-être le sujet d’un prochain article.


Et vous, dans votre quotidien, combien de fois vous êtes-vous surpris·e à dire ‘oui’ alors que tout en vous criait ‘non’ ?